Baroque et temps présents
Par Didier Philippe
La ville de Rome renferme dans un écrin les traces superposées ou déposées de son passé .C' est la ville des réalités consacrées , divinisées . Le concile de Trente a reordonné l ' Eglise , pour , comme le dit Victor l. Tapié , dans son livre ' Baroque et Classissisme ' , ' faire passer l ' idéal dans la rèalité des faits ', ' et qu' une part immense dans la religion se trouve faite au sensible ' . Cette volonté d ' édifice repose sur un empire vaincu , par lequel Rome ne cesse de triompher sur l ' antique , qu' elle annexe sans mépris . Tant dans le sol que dans l ' àme qu' éclairera toujours la mème lumière , s' exprime Rome qui se prète depuis l ' existence mythique de ses collines , à ce que s ' édifient des temples , à ce que s' y engendre pour l ' homme le religieux dont s ' auréole sa culture , donc son destin de ville éternelle , de triomphe du catholicisme . Pour que Rome ne soit pas religieuse , il faudrait la raser . Et encore , sa lumière , mème éteinte , suffirait à sa palpitation , à faire de ses ruines d ' autres magnificenses divines . On pressent en traversant qu' on traverse l ' humanité , qu' elles nous transportent toujours bien au-delà de ce que l ' on souhaitait y voir , qu' on traverse le temps qui l ' a faite dans une intemporalité que d ' autres villes parfois plus riches n' ont pas car elles ne l ' ont jamais eue. On ne peut approcher Rome et la voir sous la bannière d' un conducteur touristique qui aura plus la vocation de remplir d' un savoir dont le pittoresque n ' a cure de la solennité et encore moins de la plénitude qui se dégage de la matière. Rome est la ville religieuse que le Baroque en son sein a approchée d' un peuple paysan qui voulait voir la profondeur du divin dans les ors sacrés .Le Baroque se détache audacieusement du classicisme et conçoit un tumulte ostentatoire que seuls des artistes d ' exeption purent tenir dans l ' équilibre que l ' Eglise qui se relevait de ses schismes cherchait . Une présence émotionnelle se fait sentir , si , négligeant les distances monumentales des édifices , et leurs extravagances luxuriantes , oubliant sa propre matière terrestre et humaine , on se laisse emmener dans les scènes troublantes et colorées , portées par les baldaquins au-dessus du réel . En baignant des jours dans le compost de Rome , j' ai pensé mon attachement à la peinture de Philippe Casanova . Elle témoigne d ' une expèrience de déambulation libre sans que rien ne résiste à l ' errance dont l ' itinéraire , les pas , le regard , les sens , ponctués par les siècles dévoilent un caractère d ' éternitè vivante . On y retrouve cette revanche de lumière sur les monotonies de l ' existence , ' la sensibilité frèmissante à toutes les formes de merveilleux 'des temps de douleurs et d ' angoisse . Rome est toujours le lieu de la formation d' un artiste . De la Ville Eternelle nous parvient une connaissance de nous-mème en ce monde qui s ' appuyant sur ce que nous en voyons , reordonne ce que nous en faisons ou exigeons . Nous construisons les villes qui nous construisent . La peinture de Philippe Casanova est subtilement moderne en ce sens qu' elle nous plonge dans ce mouvement que nous ne cessons pas de penser pour prendre d' avec le monde un recul qui nous permet de ne pas le mépriser mais de l ' embrasser . Elle n ' est pas mysthique . Humaine et rare , elle emprunte son essence céleste au baroque qui est là , comme un fondement en fusion . L' oeuvre intime de Philippe Casanova s' en détache pour littéralement nous conduire au temps présent , et plus encore . Les lumières , les formes , les motifs , les couleurs , l' intensité , l' angle , varient , s' élèvent , s' estompent d' un tableau à l ' autre . Le réalisme du peintre est un voile qui laisse voir dans la jouissance du déchainement baroque et sa liberté impétueuse , l' absolue nécessitè d ' abstraire le vide du réel et toutes les fins du monde d' une époque terrible confrontée de partout à la mort qui s ' en sort par miracle . Sommes-nous au 16 ième siècle , en pleines guerres de religion , face à la peste , victimes d ' un sac , ou maintenant , devant d ' autres abimes ? 'L' art n ' obéit à aucun ordre du temps , il est inorienté comme le temps lui-mème' (*) Celà n' empèche pas qu' il nous oriente à voir et à savoir dans quel présent nous héritons d ' un passé . Tout porte à voir que Philippe casanova n' est pas un artiste nostalgique du baroque auquel il emprunte des images mais un artiste de son temps . (*) Pascal Quignard ' Les ombres errantes . dernier royaume '