Casanova le Baroque (Sabine du Crest; Le Magazine des Arts)
Rome, Santa Maria in Vallicella, Corridor Borrominien, le 26 mai 2015 sera dévoilé un grand tableau baroque, oeuvre de Philippe Casanova, créée pour l' occasion des 500 ans de la naissance de Saint Philippe Néri, jour de sa fète et de l' ouverture de son jubilée.
Cet évènement a lieu dans le coeur mème de la Chiesa Nuova, l' église de l' Oratoire de Rome décorée par Rubens, de peintures sur ardoise, par Federico Barocci, Pietro da Cortona et bien d' autres. Sans doute, depuis le 17 ième siècle, est-ce l' une des églises les plus somptueuses de la capitale de la chrétienté. Chaque année, pour célébrer Philippe Néri, proche des riches comme des pauvres, des humbles comme des puissants, l' église se pare de tous ses très riches ornements. Le Saint fondateur de l' Oratoire de Rome, prèchant la beauté dans la simplicité et la joie, le retour aux origines dans une plus profonde attention aux sources évangéliques et aux autres est chez lui dans ce lieu qui recèle de si nombreux trésors. Sa mémoire affleure partout et ceux qui s' inscrvent dans sa suite par delà les siècles sont légions, toujours. Cy Twombly, très proche des Frères Oratoriens de Rome, est enterré dans l' église, comme le rappelle une discrète plaque de marbre sur un pilastre près de l' entrée, l' une des toutes dernières apposées.
Ce sera l' un des moments les plus forts du printemps baroque romain, l' un des plus originaux et émouvants aussi. Car cette oeuvre très personnelle d' un artiste né en France, diplomé de l' Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris puis devenu très romain, est une forme d' hommage immatériel au grand saint, glosant et renouvelant in situ ses expériences mystiques, autorisant leur transmission à d' autres, visiteurs d' aujourd' hui. En 1995, pour les célébrations du 400 ième anniversaire de la mort de Philippe Néri, Philippe Casanova avait déjà oeuvré pour les Oratoriens, réalisant 16 peintures représentant les étapes du parcours du Saint dans Rome. Car ce que livrent les oeuvres de Philippe Casanova c' est la perception à l' état pur, une perception sensorielle, baroque et contemporaine à la fois. On voit, on entend presque- la musique est essentielle pour l' Oratoire- et on devine en mème temps: un certain degré de participation est activé chez le spectateur qui peut alors ressentir le lieu comme s' il y était, en opérant un transfer spatial.
Tout est mouvement dans cette peinture, suivant un regard un peu oblique tribut à Monsut Desiderio qui produit un écroulement en douceur, presque imperceptible, mais qui , toutefois, transporte ailleurs le spectateur. Ainsi on est déjà dans un autre monde, dans les états du baroques! Ces oeuvres expérimentales sont parfaitement à leur place au coeur du Seicento baroque romain. Ainsi, il ne s' agit pas de répéter, de redire mais bien de faire percevoir. Comme le montre le deuxième bozzetto (cf. illustration)- des dizaines d' esquisses ont été nécéssaires-, l' inclination des rayons lumineux est en correspondance avec la réalité de la lumière du jour et en mème temps avec l' illumination divine: Saint Philippe Néri est en extase dans le médaillon porté par les anges, s' élevant dans les airs, comme aimanté, happé par la lumière, devenu aérien. Dans la chapelle de la Visitation de la Chiesa Nuova se trouve justement une peinture célèbre de Federico Barocci qu' affectionnait particulièrement le Saint qui eut, dit-on, une extase le jour de la présentation du tableau.
D' autres oeuvres de Philippe Casanova sont présentées in situ comme au palais Rospigliosi Pallavicini à Rome, au salon dit de la Spinetta ou des Apòtres. Ses peintures furent mème les premières peintures contemporaines exposées au Palais Chigi à Ariccia en 2005. Au départ du travail de Philippe Casanova, il y a l' émotion ressentie dans un lieu et qu' il peint ensuite en gardant avec ce dernier une certaine distance suivant un subtil équilibre entre prise de pouvoir sur l' espace et envahissement de l' effet produit par les lieux.
Rome dans son coté baroque principalement, mais aussi dans quelques lieux plus classiques, comme la Villa Médicis, provoquant ainsi des peintures soit vertigineuses soit foisonnantes, soit plus linéaires et plus épurées, est le champ de travail de l' artiste qui peint surtout des intérieurs, du tout petit au très grand voire à l' immense, bientòt, rapprochant toujours plus ses oeuvres des lieux de leurs sources. Ce sera le cas à Santa Maria in Vallicella où cette peinture de trois mètres sur deux mètres sera dévoilées sur les lieux mème où elle sera définitivement exposée qui sont aussi les lieux qu' elle donne à voir.
Sabine Du Crest, Mai 2015