Palais Pallavicini, le Salon de l' épinette (Anne-Madeleine Goulet, Galerie Mendes)
L' actuel palais Rospigliosi Pallavicini fut d' abord la résidence d' un cardinal, le cardinal neveu Scipion Borghèse qui, en 1610, en avait confié la réalisation à des architectes tels que Flaminio Ponzio, Giovanni Vasanzio et Stefano Maderno. Au cours du XVI ième il connut plusieurs propriétaires, dont le duc Altemps, le cardinal Bentivoglio et Jules Mazarin qui permit que l' Ambassade de France y fùt acceuillie durant quelques années.
En 1679, les héritiers du cardinal Mazarin louèrent le palais et ses jardins au jeune duc de Zagarolo d' origine toscane, Giovanni Battista Rospigliosi (1646-1722), neveu du pape Clément IX, et à sa femme d' origine génoise, Maria Camilla Pallavicini (1645-1710). En 1708, le couple parvint à acquérir le palais qui connut alors de nouveaux aménagements.
Dans le système singulier de la cour pontificale, environnée de cours satellites, princières ou cardinalices, en concurrence les unes avec les autres, la magnificence était un impératif catégorique. La réputation et le prestige d' une maison tenaient à l' accumulation des signes qui venaient fonder cette magnificence: palais, chàteau, casino, personnel de maison nombreux, oeuvres d' art, carrosses, vètements, bijoux, mobilier... Le salon que nous avons sous les yeux, tout comme les pièces que l' on ne fait qu' entrevoir sur les parties latérales du tableau, réunissent les marques distinctives de la somptuosité que sont les tableaux, le mobilier et les instruments de musique.
Parmi les diffèrents salons en enfilade Philippe Casanova a choisi de peindre le Salon des Apòtres, ainsi nommé du fait des treize tableaux de Rubens qui représentent le Christ et les douze apòtres. On appelle également cette pièce Salon de l' Epinette, car il y tròne un superbe instrument dont on aperçoit ici les pieds sculptés et dorés, la caisse extérieure peinte par Carlo Maratta et dont l' intérieur du couvercle, non visible ici, est l' oeuvre de Nicolas Poussin.
Maria Camilla Pallavicini, dont on sait qu' elle tenait salon et qu' elle fut la dédicataire de plusieurs comédies et oeuvres musicales qui furent représentés chez elle, la plupart du temps dans la galerie au rez-de-chaussée, jouait souvent de cet instrument. La famille s' était illustrée gràce à une riche tradition de spectacles; le souvenir de Jules Rospigliosi (1600-1669), pape Clément IX, qui fut l' auteur de poésies, de drames et de livrets d' opéra, restait vivace. L' art d' Euterpe faisait partie de la vie quotidienne des ducs de Zagarolo, qu' il fùt le signe d' un attachement profond à cet art ou que les aristocrates l' aient considéré comme l' un des moyens traditionnels qu' ils avaient à leur disposition pour glorifier leur nom et mettre en scène leur pouvoir.
Publié dans le catalogue de l' exposition "Remuer ciel et terre, l' univers baroque de Philippe Casanova";
Galerie Mendès, éditions Galerie Mendès, décembre 2018