Rendez vous
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04
Giugno
2017

Au paradis, toujours plus vite! (Philippe Casanova, L' Osservatore Romano)

Suivre Saint Philippe Néri, le pinceau à la main.

Vers la fin du Corso Vittorio Emanuele II, chemin faisant vers Saint Pierre et le Vatican, se trouve Santa Maria in Vallicella, rebaptisée par les romains la Chiesa Nuova. On y pénètre attiré par les seules oeuvres monumentales de Rubens présentes à Rome, ou par les deux merveilleux retables de Federicio Barocci, à moins que ce ne soit pour le brio de Pierre de Cortone, dont les fresques sont environnées de myriades d' anges en stuc qui s' ébrouent, entre quatre siècles de poussière amoncelée et les puissants rayons lumineux qui perçent des fenètres et lancent leur éclairs à travers les voutes et les travées. Sans oublier Borromini, l' explorateur inquiet de l' univers baroque, le prince des rythmes et des ondulations, des espaces tronqués, des perspectives menteuses, des spirales, des arcs brisés, des nervures, des hachures. L' artiste de l' affrontement, de la catharsis pour qui le moindre repli de la matière, chaque contre-courbe, doivent ètre invocation, supplique, louange divine. Mais, une fois traversés ces espaces paradoxaux, la Vallicella ne nous a pas encore livré tous ses secrets. Une porte étroite, un couloir décrépit et l' on accède à la Chambre Rouge où sont pieusement conservés les reliques et effets personnels de Saint Philippe Néri (fété le 26 mai), l' inspirateur de l' Oratoire. Soudain, au-dessus des armoires, des chàsses, des reliquaires, apparait la fresque stupéfiante, surréaliste de Nicolò Tornioli.
Un coup de tonerre qui fait basculer le pélerin de l' autre coté du miroir, dans le monde de l' au-delà ou en tout cas dans celui du combat spirituel. Le soufle enflammé de l' Esprit soulève et déchire les drapements, les nuances se font contrastes, la lumière se sépare des ténèbres. Des architectures renversées, des atlantes exténués qui ne la retiennent plus; San Filippo, revètu d' une lueur éclatante, qui lèvite et s' élance vers le Tròne de l' Apocalipse et vers la Reine du Ciel, tandis que grouillent des putti affairés aux préparatifs de ces noces mystiques. Ce lieu n' est pas trop couru, encore réservé à ceux qui se sont sentis appelés par le Saint de l' allégresse, ou en tout cas s' en sont persuadés. J' ai eu le privilège d' y poser mon chevalet et, des journées durant, d' observer, de dessiner ce tumulte joyeux, cette bataille contre la pesanteur et le temps; invoquer l' Esprit Saint tout en peignant ce chaos impressionnant, mais calme.
Ph. Casanova